ID / Comment décririez-vous Claude Provencher ?
NDS : Claude était authentique et généreux. Il donnait son temps à tout le monde et partageait le crayon avec l’ensemble des collaborateurs. Les gens savent à quel point il était vrai. Quand il disait quelque chose, que ce soit dans l’atelier, à la chambre des commerces ou dans une fête, c’est parce qu’il y croyait sincèrement. C’était quelqu’un qui avait le courage de ses convictions.
SG : Ce n’était pas une diva. Il ne croyait pas que les idées devaient venir de lui. Au contraire, il suscitait la discussion pour en faire ressortir les bonnes idées. Il s’investissait énormément. Non seulement pour la réussite du projet, mais aussi pour le client. Quand il prenait un mandat, il donnait tout, jusqu’à la fin.
ID/ L’œuvre de Claude Provencher a marqué le paysage montréalais. On lui doit plusieurs bâtiments importants à travers la ville. Comment décririez-vous la relation entre l’architecte émérite et le lieu où il vivait ?
SG : Il provoquait les projets. C’est-à-dire qu’il n’attendait pas de recevoir une commande pour se mettre à la table à dessin. Le Centre de commerce mondial de Montréal est un bon exemple, c’est Claude qui a provoqué cette commande en trouvant l’idée. C’était quelque chose de fréquent à l’atelier. Il arrivait avec une idée que nous devions sketcher, puis après il fallait trouver des partenaires. S’il faisait ça, ce n’était pas pour des raisons pécuniaires, c’était dans l’espoir de faire avancer Montréal, pour qu’elle se démarque. Le pont Champlain est un autre bon exemple. Quand il s’est prononcé publiquement en affirmant que l’entrée de la ville devait être architecturalement intéressante, ce n’était pas dans le but de recevoir une commande. C’est l’honnêteté de l’homme. Il le faisait pour Montréal.
NDS : Il a suivi la ville à travers ses hauts et ses bas. Elle a toujours été pour lui un projet à perfectionner. Claude était dans cette lignée d’architectes rarissimes qui créent des commandes, voire des morceaux de ville. Ses créations ont complètement changé Montréal.
ID/ Selon-vous, quel lègue laisse-t-il aux architectes québécois ?
NDS : Claude ne cherchait pas à vanter sa signature ou sa vision du monde. Chaque fois qu’il acceptait un projet, il cherchait d’abord à servir le public, puis à donner une chance aux prochaines générations. Cette façon d’aborder l’architecture a permis à la pratique d’évoluer énormément. Son architecture était courageuse, politique et sensible. Il était à l’écoute du site, du temps et de l’époque. Sa façon de faire a suscité beaucoup d’admiration auprès des jeunes architectes, transformant ainsi une génération.
SG : C’était un visionnaire. Il développait et pensait avec le client, et souvent, il poussait le client plus loin dans sa réflexion. Il était exigeant. Pas parce qu’il était sévère, mais parce qu’il était soucieux du détail. Il pouvait remettre en question l’implantation, même si le projet était presque complété. Si ça ne fonctionnait pas, il fallait recommencer. Son élégance se retrouve dans ses bâtiments. Elle est présente dans la précision et le raffinement des détails. C’est un grand lègue pour le bureau.
ID/ Qu’avez-vous appris en travaillant à ses côtés ?
NDS : Chaque projet est un nouveau départ, une nouvelle théorie, une nouvelle application d’un nouveau modèle de réflexion.
SG : Il nous a appris à profiter de la vie. Nous l’avons vu dernièrement et tout était beau. Il était beau, sa maison était belle. C’était accueillant, c’était lumineux. Il était tout sourire, extrêmement heureux de voir des gens. Rendre tout beau, même dans des moments difficiles, ça c'était Claude Provencher.
NDS : Quand je devenais trop préoccupé par un projet, Claude disait : « c’est important d’avoir du plaisir ».
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L’équipe éditoriale d’Index-Design offre ses plus sincères condoléances à Sonia Gagné et Nicolas Demers-Stoddart qui ont gentiment accepté de donner cette entrevue malgré la situation difficile, à toute l’équipe chez Provencher_Roy ainsi qu’à la famille et aux proches de Claude Provencher.
Photo de couverture : Claude Provencher / Photographie de Frédérique Ménard-Aubin
