ID / Quel est ton parcours académique, et qu’est-ce qui t’a amené vers la pratique de la photographie d’architecture ?
FM / J'ai étudié la photo au cégep. J'ai commencé mon cours à Montréal et je l'ai terminé à Matane en 2004, après une pause. J'ai également complété un certificat en création littéraire à l'Université Laval. À part quelques projets personnels et quelques expositions, je n'ai pas tout de suite pratiqué la photographie de façon professionnelle. J'ai toujours été fasciné par l'architecture, ça a toujours fait partie de mes champs d'intérêt dans ma démarche artistique. J'ai toujours été interpellé par les bâtiments, les volumes, leur aspect sculptural, et également par l'intégration de ces derniers sur un site. J'ai fait de la photo de façon plus personnelle dans ce sens-là, jusqu'à il y environ 4 ans où j'ai eu besoin de prendre position sur l'orientation de ma carrière. Ça a été un choix évident de me lancer dans une pratique professionnelle de la photographie d'architecture.
ID / Quelle est ton approche quand tu visites un projet, qu’est-ce que tu regardes ?
FM / Ce qui m'interpelle le plus dans la photographie d'un bâtiment est la lumière. Les architectes travaillent beaucoup cette dimension dans leurs projets, et il est important pour moi de la mettre en valeur. Je regarde de quelle façon la lumière se dépose sur le bâtiment, comment elle le traverse ou bien de quelle façon elle évolue au fil de la journée. Je porte aussi une grande attention à l'intégration du bâtiment à son environnement et à l'interaction qui est créée entre eux. Ce sont principalement les deux aspects auxquels je vais porter le plus d'attention en arrivant sur un lieu que je vais photographier.
ID / Qu’est-ce qui fait une bonne photo d'architecture selon toi?
FM / Une bonne photo d'architecture, pour moi, c'est une photo où le photographe s'est permis d'interpréter le bâtiment, une photo où l'apport artistique du photographe est palpable. Chaque bâtiment est une oeuvre en soi et chaque personne qui la regarde l'interprète à sa façon. Le photographe a la possiblilité de transposer ce qu'il voit en image, donc ici l'apport artistique du photographe transcende la photographie. C'est ce qui fait, selon moi, une photo réussie. Il n'est pas non plus toujours nécessaire de montrer tout le bâtiment, ou de montrer exactement ce que l'architecte a voulu montrer, mais de laisser l'architecture vivre par elle-même. C'est sûr que je parle avec les architectes et que je m'informe sur les intentions et sur ce qui a dirigé le projet afin de le mettre en lumière dans mes photos, mais tout en gardant un regard personnel. Je suis le travail de deux photographes d'architecture qui font très bien ce dont je viens de parler. Il s'agit de Koen Van Damme et de Erieta Attali. Ils travaillent beaucoup en noir et blanc, et n'hésitent pas à montrer le bâtiment par parcelles dans leurs photos. J'aime aussi le fait qu'ils utilisent la pellicule noir et blanc parce que ça sort de la tendance actuelle de montrer le plus de détails et de netteté possible dans les photos d'architecture. On est ailleurs avec leur travail, on sent la texture et le grain de l'image, et ça apporte une dimension très sensible. C'est quelque chose qui m'interpelle beaucoup et que j'aimerais arriver à intégrer plus dans ma pratique de la photo d'architecture.
ID / Comment travailles-tu la lumière dans tes photos ?
FM / Je travaille le plus souvent possible avec la lumière naturelle. C'est un des aspects les plus importants du projet d'architecture pour moi. L'apport de lumière naturelle qui entre dans un bâtiment va vraiment influencer notre rapport au lieu, et je veux le retranscrire le plus naturellement possible dans mes photos. J'essaie donc le moins possible d'utiliser l'éclairage artificiel et d'éviter son utilisation quand je le peux. Quand je visite un bâtiment, je vais essayer de le parcourir à différentes heures pendant la journée pour voir de quelles façons l'évolution de la lumière va transformer une pièce. J'arrive ainsi à déterminer le meilleur moment pour photographier un lieu.
ID / Qu’est-ce qui te passionne le plus dans ce métier ?
FM / La possibilité de créer une belle image, en lien avec l'orientation du projet et en accord avec ma vision personnelle est l'aspect le plus satisfaisant de mon travail. J'adore les arts visuels, et pour moi c'est vraiment intéressant de composer une image en premier avec les yeux. C'est un moment que je trouve fabuleux que de voir quelque chose, et d'arriver à le mettre dans un cadre. C'est quelque chose que j'apprécie particulièrement. Je pratique aussi les arts visuels à travers des photographies de paysage. La photo d'architecture est inclue dans cette démarche car l'architecture compose un paysage en soi. Je ne fais pas de distinction nette entre photographie artistique et photographique d'architecture, c'est pour moi une seule et même chose.
Photo d'ouverture: Courtesy of Nature, Installation contextuelle Jardins de Métis/Reford Gardens par Anouk Vogel et Johan Selbing