Martin Leblanc :  « Il était important de mettre l’emphase sur la spatialité unique des lieux »

Martin Leblanc : « Il était important de mettre l’emphase sur la spatialité unique des lieux »

Sid Lee Architecture signe la transformation de l'hôtel Marriott Château Champlain, emblème de l'héritage moderne montréalais, conçu à l’origine par les architectes québécois Rogers D’Astous et Jean-Paul Pothier en 1967. Martin Leblanc, architecte, associé principal, chez Sid Lee Architecture répond à nos questions sur le processus de création du vaste projet.

ID/ Comment s’est déroulé le processus de transformation d’un tel espace ?

Martin Leblanc, architecte, associé principal, chez Sid Lee Architecture

Nous avons commencé par une recherche sur les aménagements d’origine, en grande partie effacés suite à de multiples rénovations, afin de proposer une relecture des éléments clés des caractéristiques historiques encore perceptibles. Afin d’intégrer la nouvelle programmation et repenser les espaces pour un usage actuel, nous avons ainsi concentré notre proposition sur la fluidité entre les fonctions et sur l’expression simple de l’architecture intérieure.

L’élaboration d’un narratif rapprochant le caractère nordique de Montréal et la chaleur procurée par la modernité et l’authenticité du service de l’hôtel, nous a permis de guider la rénovation par le fusionnement de l’expérience client, des opérations et du design.

Finalement, nous avons intégré l’esprit de marque Marriott, tels que le Greatroom, le M Club, ainsi que les autres standards auxquels les habitués de l’hôtel s’attendent.

La transformation a débuté par les 614 chambres. Les fenêtres iconiques de l’hôtel nous ont permis d’adresser directement un élément fort de la signature de l’hôtel. Notre intention étant de rapprocher le plus possible chaque client de cette fenêtre, de leur faire posséder, le temps d’un séjour, une partie de l’histoire de la ville, nous avons donc fait de la fenêtre la pièce maîtresse de la chambre. La taille et la configuration des chambres restant la même, nous avons voulu donner une impression de grandeur à l’espace en utilisant des tons clairs et des surfaces réfléchissantes complémentaires à la vue.

La transformation du lobby, de l’espace de réception, et du « Greatroom » a ensuite suivi, pour finir avec la salle de sport, les espaces de réunion et la salle de spectacle unique qu’est le Caf’Conc.

Lors de la transformation du lobby et du « Greatroom » il était important de mettre l’emphase sur la spatialité unique des lieux tout en positionnant stratégiquement des secteurs plus approchables. Par la reconfiguration des portes de l’entrée principale, nous avons maximisé l’apport de lumière naturelle sans avoir à retoucher à la façade historique. D’un plan ouvert, le lobby et « Greatroom » se décline ainsi en plusieurs espaces favorisant la découverte et l’interaction.

ID/ Quelle était la réflexion derrière la palette esthétique?

La palette a été guidée par le narratif qui met de l’avant l’hôtel comme un refuge au centre de la ville de Montréal. L’ambiance se veut apaisante et chaleureuse, permettant d’observer et de contempler les paysages saisonniers de la Place du Canada.

Nous avons aussi jonglé avec des éléments légers et délicats tels que des appareils d’éclairage rappelant les branches d’un arbre enneigé qui viennent contraster avec des éléments comme les postes de réceptions monolithes.

ID/ Il y a de nombreuses références cachées ici et là... Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces clins d’œil ?

Dès sa conception, l’hôtel au complet se voulait la réponse du Canada francophone à l’hôtellerie moderne. La référence au château français d’Europe s’exprime essentiellement à travers une série d’arcade et par la forme en arches des fenêtres du bâtiment. Nous avons voulu rendre hommage à ce geste en étudiant sa forme. Les colonnes et voûtes du lobby ont donc été dénudées des leurs éléments décoratifs et ramenés à leurs proportions originales, puis recouvertes de porcelaines réfléchissantes grand format pour multiplier l’effet. Les arches au-dessus des portes d’ascenseurs ont été complètement retravaillées pour reprendre la géométrie des fenêtres. Cette forme de demi-cercle, parfois pure, parfois déclinée ou transformée, est donc présente tout au long des parcours de l’hôtel. On peut les reconnaître, entre autres, dans les banquettes de la salle à manquer autant que dans les miroirs des salles de bains, installés tête en bas.

Autre anecdote, avant la rénovation de l’hôtel trônait une murale de tissus ludiques grandeur nature illustrant Samuel de Champlain sur un bateau. Nous avons repris le concept de superposition de tissus, avec la coloration originale de la murale, pour créer des œuvres chaleureuses qui habitent les salons du « Greatroom ».  

Comme beaucoup d’édifices très vastes de cette époque, il y a peu de lumière naturelle qui rentre à l’intérieur des espaces communs. L’intention a donc été de créer un jardin intérieur dans l’espace de salle à manger ou la luminosité varie en fonction de la journée.

ID/ Vous avez collaboré avec MASSIVart pour l’intégration de 59 œuvres dans divers espaces de l’hôtel. Comment les œuvres viennent-elles appuyer la vision architecturale du projet de rénovation ?  

Les œuvres viennent appuyer la vision en créant des histoires, liées par un même thème et interprétées par chacun des artistes. La conception des œuvres et la collaboration avec MASSIVart se sont faites assez tôt dans le processus de création pour permettre aux œuvres de faire partie intégrante des espaces.

Par exemple, l’œuvre à la réception a fait partie de la réflexion de l’espace dès le début. Il était important que l’espace d’accueil des clients reflète et introduit l’expérience à venir. Le bas-relief de 59’ de long, créé par Pascale Girardin, nommé Dérives, répond parfaitement à la vision initiale d’une douce surface enneigée, éclairée par un coucher de soleil envoûtant.

 

Crédit photo :  Maxime Brouillet 

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