ID/ Quand est née cette prise de conscience environnementale de réduire sa consommation?
Nous vivons un dilemme continuel. Tous les jours, nous recevons des nouvelles pas très bonnes au sujet de l’environnement qui nous encouragent de réduire notre consommation, et en même temps on nous pousse à consommer pour garder à flot notre système économique basé sur la croissance. La situation est complexe.
En tant que designer, nous sommes au cœur du problème, car nous participons à rendre irrésistible la consommation. J’avais envie de parler de cette mécanique de manipulation, vu que j’y ai participé. J’ai ce dilemme depuis longtemps et c’est une des raisons qui m’a fait quitter le design automobile à mes débuts pour lancer ma compagnie de design de cuisines écologiques en 2009.
ID/ Comment avez-vous abordé ce livre?
La méthode Y est basée sur mon expérience et mes observations depuis 20 ans. Comme designer de produit et de consommation, je me suis intéressée à la raison pour laquelle on consomme. Ce n’est pas logique la consommation, c’est plutôt émotif. Et pour cette raison, le livre fait une incursion dans le développement personnel.
La consommation est un choix individuel. Son pouvoir réside dans l’identification : on pense qu’on est le produit, mais on n’est pas ce qu’on consomme. Il y a un danger là-dedans et il faut en être conscient. Avec ce livre, je veux participer à la prise de conscience, afin d’être de plus en plus conscient et de moins en moins manipulable.
ID / Réduire et être en affaire, n’est-ce pas contre-intuitif?
Tout à fait. Vendre moins est contre-intuitif, mais il faut prendre cette responsabilité. Je veux que mon entreprise prospère, mais pas au prix de la surconsommation. Réduire la matière, c’est aussi réduire les coûts, mais c’est sûr que ce choix de la qualité nous inscrit naturellement dans le haut de gamme, et ce n’était pas naturellement la direction que je voulais prendre… mais qu’est-ce que le haut de gamme? Si je prends l’exemple de mon manteau que j’ai payé 900$, je le porte 10 ans plus tard et il est toujours en bon état. Pareil pour mes bottes que j’ai depuis 15 ans. Au final, ces produits ne m’ont pas coûté cher.
La consommation est une chose assez nouvelle dans l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, il est normal d’avoir un choix de 500 cafetières, voire même plus. C’est normal, mais quelque chose est complètement disproportionné dans la notion de valeur des choses. Il y a une déconnexion entre la valeur et le prix.
ID/ Qu’est-ce qu’un bon design justement?
Selon moi, un bon design mise sur la durabilité. Un design ne peut pas être écologique s’il ne dure pas. Un bon design possède des qualités formelles que l’on sent et qui nous indiquent que le produit va bien vieillir. C’est ça le rôle du designer, de créer cet équilibre.
Dans ma pratique, avec mes clients, j’essaie d’envisager quelque chose de durable qui prend en compte la notion de réparabilité. Utiliser des matériaux et des matières qui vont se bonifier avec le temps, donc valoriser les matériaux naturels. Au-delà des tendances, je suis l’aise de dire non aux clients.
ID/ Est-ce que la pratique du design est problématique en elle-même selon vous?
C’est sûr que le design a une grosse remise en question à faire, et je me questionne pourquoi on ne parle pas plus de ça. Mais la magie du design, c’est de trouver des solutions sans que ça paraisse. Alors au lieu de créer un nouveau produit, peut-être devrions-nous réfléchir à des pistes de solutions.
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