«le Théâtre Empress continue d’enflammer les passions et d’habiter l’imaginaire collectif.» -Le Borgne Rizk
Emblème pour le secteur avec sa façade néo-égyptienne (Egyptian Revival), le bâtiment fait toujours office de repère visuel dans le quartier. Comme plusieurs bâtiments à la signature distinctive dans le paysage urbain, «le Théâtre Empress continue d’enflammer les passions et d’habiter l’imaginaire collectif», indiquent les architectes.
Plus encore, le bâtiment est le symbole de la vie de quartier d’une certaine époque et de l’identité propre à chaque secteur montréalais. Il a ouvert ses portes en 1928 à la même époque que le Théâtre Outremont, dans cette période d’effervescence culturelle.
Délaissé à la suite d’un incendie dans les années ‘90, le bâtiment est vacant depuis plusieurs années. L’ensemble architectural, unique au Canada, devrait selon Sophie Le Borgne et Amani Rizk être préservé autant que possible. La façade demeure l’élément à conserver alors que la dégradation a trop affecté le reste.
«On propose d’ouvrir le rez-de-chaussée sans le dénaturer, de reproduire la marquise d’origine tout en délicatesse et de conserver les colonnes s’il est encore possible de le faire», explique Amani Rizk. «La partie la plus importante à conserver demeure la fresque en façade.»
À la manière d’un décor de scène, les architectes souhaitent préserver la devanture en venant la soutenir de l’intérieur par une structure en poutres. Cette solution est simplificatrice au niveau structural et fait écho à l’historique des lieux.
«On veut jouer avec l’idée du façadisme. La bâtisse devient un décor de scène et c’est la vie des passants qui devient le spectacle pour le quartier. Comme le bâtiment ne représente plus de fonction particulière pour la communauté aujourd’hui, que plus personne ne l’a fréquenté à ses débuts, c’est tout naturel que ça devienne un décor!», explique Amani Rizk.
Pour se faire, elle et son équipe proposent le projet Héritage Empress qui se traduit en espaces publics, commerciaux et d’habitation liés les uns aux autres par une cour intérieure. Le Borgne Rizk Architecture propose effectivement d’ouvrir la structure au tissu urbain et d’y laisser entrer la communauté, pour redonner au bâtiment sa pertinence comme plaque tournante dans le quartier.
«Avant, le bâtiment était consacré au théâtre, donc réservé à une certaine élite. On propose maintenant d’ouvrir le cœur à la communauté pour le démocratiser sans perdre de vue l’objectif de le rendre viable financièrement», dit Amani Rizk.
D’une part, il est question de permettre une nouvelle appropriation du lieu. De l’autre, c’est l’opportunité de créer un centre d’affaires pour le quartier en combinant un ensemble de services et de fonctions.
«Ce bâtiment n’existe pas à l’extérieur de son environnement. Il est ce qu’il est de par sa localisation.» -Amani Rizk
Le projet propose d’inclure du logement, des ateliers, des espaces communautaires, des salles d’expositions et de spectacle, des commerces de proximité, des cafés, un marché fermier et des espaces publics extérieurs. L’idée de la firme est d’inventer «un lieu hautement magnétique, à l’échelle humaine, qui dialogue avec le quartier tout en étant à son service pour magnifier la vie communautaire.»
Pour préserver les proportions au niveau de la rue, Le Borgne Rizk Architecture positionne un nouveau volume en retrait. Ce dernier est tout à fait contemporain, transparent et léger, par rapport à la façade de pierres. Les architectes transforment, mais moindrement, la devanture historique.
«Présentement, la perméabilité du bâtiment depuis la rue est tout sauf accueillante», dit Amani Rizk. «Les ouvertures existent, nous proposons de les magnifier.»
Dans les plans, l’ajout d’une cour intérieure permet au bâtiment de revivre. Ouvrir le cœur du bâtiment est aussi l’occasion de créer un lien vers le parc Notre-Dame-de-Grâce juste en face. «Ce bâtiment n’existe pas à l’extérieur de son environnement. Il est ce qu’il est de par sa localisation», dit l’architecte qui souhaite composer avec cet environnement riche pour exploiter le potentiel de l’édifice.
«La vie d’un bâtiment se déroule essentiellement à l’intérieur. Exception faite quand on doit faire la file par exemple», dit Amani Rizk qui explique l’opportunité qu’offre le site du théâtre. «Les trottoirs devant le bâtiment sont larges et le parc est à proximité de l’autre côté de la rue. Il est facile de moduler un espace en relation avec un parc. Il y a vraiment une opportunité là de pouvoir “vivre” devant l’édifice! Ainsi, un mélange d’activités peut permettre que le bâtiment se renouvelle chaque jour et que l’espace soit évolutif d’une journée à l’autre.»
À l'orée parc, la cour intérieure permet de découvrir le cœur de l’ancien théâtre. «Sa scène, autrefois cachée, devient une place à ciel ouvert, où est mise en scène, jour après jour, la vie citoyenne et communautaire», concluent les architectes qui souhaitent voir revivre cet espace à fort potentiel.
Crédit photo: rendus par Le Borgne Rizk et Invisio Media.