ID/ À quelle étape de sa pratique, l'architecte peut-il avoir le plus d’impact positif pour le climat selon vous?
KP/ À mon avis, ce n’est pas une question d’étape, mais une question d’objectif ! Chaque client et chaque projet a ses contraintes. Nous intégrons la notion de développement durable et d’architecture écologique à tous nos projets, et ce dès les premières discussions avec les clients. Le but ultime est d’intégrer cette pratique sans que ça soit un élément qui puisse être enlevé, et cela malgré toutes les embûches possibles dans le processus de construction.
ID/ À quelle pratique devrait-on faire plus de place aujourd'hui?
KP / Je crois qu’on doit absolument avoir une certification pour les produits et les matériaux qui viennent du Québec. L’organisme Créneau Écoconstruction travaille sur une certification de produits biosourcés pour les matériaux locaux qui pourrait aider les architectes et designers à mieux choisir leurs matériaux. La réflexion doit englober des produits conçus, fabriqués et prélevés au Québec pour mieux informer nos clients et faire des choix intelligents.
Les villes, MRC et organismes doivent mettre leurs énergies en commun pour mieux y parvenir. En plus de créer un impact positif sur notre environnement, ça procure des emplois et devient une fierté pour nous tous.
ID / Pour vous une architecture responsable en quelques mots c’est…?
KP / Une architecture responsable est une architecture de qualité, conçue et fabriquée localement avec des matériaux provenant de sources qui respectent l’environnement.
ID / Quels sont les principaux défis qui se posent quand on veut réaliser un projet durable et responsable?
KP / Changer les comportements. Sensibiliser, mobiliser et outiller pour que les façons de faire changent dans la construction. On a eu le réflexe de penser qu’on avait des ressources infinies, de prendre l’habitude de jeter sans trier, de juste dire que c’est trop cher, d’accepter ne pas savoir d’où proviennent nos produits. Aujourd’hui, on est plus conscient. Maintenant, il ne reste plus qu’à appliquer ce qu’on sait: c'est-à-dire mieux construire pour perdurer, déconstruire pour arrêter de jeter, et réduire afin d'éviter de se créer des besoins superflus. Bref, de faire plus avec moins.
ID / Quel est l’argument qui pèse quand il s’agit de convaincre un client d’opter pour le concept qui aura un plus grand bénéfice environnemental?
KP / Quand les aspects écologiques ne deviennent plus une option, on n’a plus à convaincre. Les professionnels ont l’habitude d’intégrer des solutions passives à leurs bâtiments, mais ils doivent aujourd’hui faire un pas de plus et ne présenter seulement que des choix responsables à leurs clients. Ces choix ne sont pas toujours plus chers, et ils ont sans aucun doute un impact important sur notre collectivité.
Il y a des outils qui sont mis à notre disposition comme les DEP (Déclaration Environnementale de Produit) souvent utilisés pour la certification LEED et qui peuvent nous guider. Néanmoins, les plus petits manufacturiers n’ont pas les moyens de se faire certifier donc il en revient au bon jugement. Les certifications ou méthodes (Passive House, LEED ou Net zéro) ont leurs limites et peuvent entrainer des coûts supplémentaires, d’autant plus que tous nos clients n’ont pas à chercher une certification. Ce n’est qu’au professionnel d’être bien informé et de faire la différence pour notre avenir collectif et celui de son client.
ID / Une réalisation qui vous rend particulièrement fière?
KP / Avec Appareil Architecture on souhaite se réinventer, réfléchir autrement. Dans les dernières années, on a eu la chance de participer à des projets hors normes dont plusieurs sortiront dans la prochaine année.
Il y a le projet Beside qui souhaite connecter l’humain à la nature en créant une expérience par l’architecture. Le projet Lab-Ecole, l’école de demain qui réfléchit à l’école comme à la maison, en plus d’être certifié LEED. La conception écopassive d’une buvette à Sutton visant une certification LEAF. Et finalement, un chalet signé de l’enveloppe au mobilier, entièrement préfabriqué, fait en CLT (cross laminated timber), conçu et fabriqué localement.
Néanmoins, ce qui personnellement me rend le plus fière, est notre équipe, nos familles et nos partenaires qui poussent la réflexion, relèvent des défis et accomplissent de grandes choses ensemble.
ID / Quelque chose qu'il ne faudrait jamais oublier pour concevoir un projet durable?
KP / Ses valeurs
ID / Une lecture, visionnement, un podcast, ou autre incontournable pour le designer qui veut avoir un impact positif?
KP / Être entrepreneur et tenter de relever des défis qui nous dépassent me captive. Si vous êtes comme moi, voici quelques pistes qui pourraient aussi vous allumer.
- Simon Sinek et ses courtes vidéos sur Youtube en disent long sur l’importance de la mission-vision-valeur.
- Le livre de Gérald Fillion, De quoi sont faits nos leaders, sur les entrepreneurs d’ici et leurs réflexions.
- Le livre de Frédéric Laloux sur les modèles d’affaires Reinventing Organizations.
- L’émission L’avenir nous appartient, avec tous les protagonistes qui sont mis en valeur et qui veulent faire évoluer nos réflexions.
ID / Une découverte de produit, matière, marque ou autre que vous recommanderiez?
KP / Le mouvement Bcorp, mis en place par Patagonia, et les entrepreneurs qui osent faire la certification : Bravo !
ID / Qui vous inspire pour son approche durable, ici ou ailleurs?
KP / Un classique : Patagonia !
Plus localement : Énergir, Prana, Républik, Tux, Kotmo, Alvéole… et j’en oublie plein!
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Photo de couverture: Atelier Stoke / Photo: Felix Michaud