Jean-François Gagnon : « L’idée était de faire une architecture inspirée de symboles et de traditions cries »

Jean-François Gagnon : « L’idée était de faire une architecture inspirée de symboles et de traditions cries »

Un projet architectural qui célèbre la nation crie en plein cœur du Vieux-Montréal. C’est ce que propose la firme d’architectes LEMAY à travers le projet Odea, conçu en collaboration avec Douglas Cardinal, architecte autochtone de renommée mondiale. Index-Design en discute avec Jean-François Gagnon, Architecte, MIRAC, OAQ, Associé principal Conception chez LEMAY.

ID/ En quoi consiste le projet Odea situé dans le Vieux-Montréal ?

Le projet Odea est situé à l’entrée du centre-ville de Montréal, au croisement du boulevard Robert-Bourassa et de la rue Ottawa, un site qui appartient aux Cris de la Baie-James depuis 1995. Il s’agit d’un nouvel édifice qui vient souligner la présence de la nation crie dans la métropole grâce à une approche architecturale distinctive qui intègre des caractéristiques culturelles et identitaires.

C’est un bâtiment où se côtoient plusieurs usages. Il comprend des espaces commerciaux, des unités résidentielles locatives et des espaces de condos. Au cœur du projet, on retrouve une cour intérieure qui sera accessible au public. Le bâtiment comprendra aussi différents espaces communs pour les résidents, incluant un espace de coworking, un salon-lounge, deux piscines extérieures, une terrasse et un belvédère offrant une vue panoramique entièrement dégagée sur Montréal. De plus, grâce à un partenariat avec la Fonderie Darling, le complexe envisage d’accueillir un espace dédié à l’art avec salle d’exposition et un studio d’artistes, renforçant ainsi l’axe culturel de la rue Ottawa depuis l’Arsenal. Sensible à l’environnement, le projet constitue également une proposition éloquente en stratégies durables et vise une certification LEED V4 Argent.

Le site du projet comprend aussi deux bâtiments d’intérêt patrimonial qui seront intégrés à la construction afin d’assurer la continuité des formes et gabarit du Faubourg des Récollets. L’ensemble deviendra un témoignage important du renouveau d’un secteur de la métropole qui est en pleine transformation.

ID/ Comment s’est déroulée la collaboration entre Lemay et Douglas Cardinal ?

Le processus de conception est le fruit d’un échange dynamique avec l’architecte autochtone émérite Douglas Cardinal. Notre collaboration a permis d’explorer les symboles de la communauté crie et d’intégrer dans la composition architecturale certains des éléments identitaires qui traduisent avec subtilité les traditions de cette culture. C’est aussi un dialogue qui a engendré un design harmonieux et assuré une cohérence architecturale dans l’ensemble du projet.

À la suite de la collaboration avec Douglas Cardinal – et à travers des échanges réguliers avec Cogir et Creeco – l’équipe de conception de Lemay s’est assurée d’incarner, dans la solution architecturale, l’essentiel du narratif en adoptant une approche toute en simplicité et en finesse. L’idée était de faire en sorte que notre proposition s’appuie sur une architecture inspirée de symboles et de traditions cries et d’enrichir le paysage urbain de Montréal.

ID/ En quoi ce projet offre-t-il une nouvelle diversité culturelle à la ville de Montréal ?

C’est un projet exemplaire et hautement significatif qui met en valeur le design, en matière de processus de conception et de collaboration, et affirme la présence autochtone des Cris dans une grande ville canadienne. Odea montre à quel point l’engagement et les valeurs – tant communautaires que culturelles – ainsi que la force des symboles peuvent donner lieu à un éventail de possibles et comment le design peut être un outil efficace pour l’activisme, l’inclusion et engendrer un legs générationnel.

Le projet donne tout son sens à la notion de territoire en visant une approche de réconciliation pour redonner une place dans la ville à la nation crie, mais en respectant l’évolution de la trame urbaine de Montréal. Notre proposition repose sur une vision enracinée dans une identité culturelle unique afin de permettre à la communauté de restaurer ses racines dans la ville. Il s’agit du premier projet immobilier d’envergure de Creeco à Montréal et, par extension, de l’ensemble de la nation crie. Son implication dans le processus et dans la prise de décisions a été au cœur du processus de réalisation du projet.

ID/ Le nom du projet, Odea, est basé sur le mot cri « ode » signifiant canoë. Comment le canoë est-il représenté dans le projet et pourquoi est-ce un symbole important ?

Le canoë est un symbole fort de la culture crie. Cette embarcation a transformé l’évolution des communautés en facilitant les déplacements entre les villages par les rivières. C’est aussi un symbole fort de l’artisanat et de l’utilisation des ressources, dont le bois, notamment l’écorce de bouleau qui est reprise dans le travail de l’enveloppe du bâtiment. Ainsi, le canoë vient laisser son empreinte dans la volumétrie afin de marquer sa présence emblématique, à l’entrée de la ville, sur l’angle charnière du boulevard Robert-Bourassa et de la rue Ottawa.

De plus, le projet comporte une certaine influence matriarcale avec ses quelques lignes adoucies et la présence de la cour intérieure circulaire. En effet, l’importance de la femme dans la culture crie a aussi influencé le travail de géométrie pour faire en sorte que la cinétique nous engage sur différents cadrages.

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Consultez le site de Lemay pour en savoir davantage sur le projet Odea ou pour découvrir l’architecte Jean-François Gagnon.