ID/ À quelle étape de sa pratique l'architecte peut-il avoir le plus d’impact positif pour le climat selon vous?
Cette implication ne devrait pas être une étape en soi, mais un standard qui suit le projet du concept jusqu’à la livraison du bâtiment. L’important est de maintenir un équilibre tout au long du processus en gardant toujours en tête la question environnementale. C’est pour cette raison que NEUF a mis en place le pôle Stratégies Durables (SD), qui vise à simplifier et à optimiser nos outils pour apporter des solutions adaptées au projet, et le mener à la certification, ou simplement le sensibiliser à la dimension environnementale. Ce service d’accompagnement se double d’un processus de recherche-action qui va passer par la collecte, la production et la diffusion de contenu lié aux innovations durables, par l’identification de sources de financement et par des collaborations avec des acteurs publics et privés. Nous venons par exemple d’entamer un partenariat avec l’Université de Sherbrooke, pour que les étudiants en environnement nous proposent une stratégie d’entreprise durable.
ID / À quelle pratique devrait-on faire plus de place aujourd'hui?
Hugo Gagnon, architecte associé chez NEUF architect(e)s et directeur du pôle Stratégies Durables
L’innovation ouverte (Open Innovation) est un concept qui devrait prendre plus de place dans notre discipline, surtout dans le contexte actuel. Le pôle Stratégies Durables veut agir dans cet esprit d’ouverture, en se nourrissant de tout ce qui se fait de meilleur dans l’industrie, pour donner le meilleur en retour. Plus globalement, nous favorisons depuis toujours une collaboration transversale au sein des différents pôles de la firme.
ID / Quels sont les principaux défis qui se posent quand on veut réaliser un projet durable et responsable?
Sensibiliser les clients avec des arguments qui leur parlent, selon leur ouverture et leurs connaissances… car il est très difficile de démontrer en chiffre les retours sur investissement, et il est évident que les coûts auront tendance à augmenter lorsqu’on réalise un projet durable. Par contre, il est possible d’éduquer nos clients et de leur démontrer les retours potentiels sur le long terme, qu’ils soient financiers, sociaux, ou, évidemment, environnementaux. Nous formons actuellement nos collaborateurs à une plus grande autonomie sur le sujet avec l’aide d’une spécialiste des certifications.
ID / Quel est l’argument qui pèse quand il s’agit de convaincre un client d’opter pour le concept qui aura un plus grand bénéfice environnemental?
Remporté en collaboration avec DevMeta dans le cadre d’un concours d’architecture, le projet Saint-Anne de Bellevue saisit l’opportunité de mettre en pratique les stratégies durables à l’échelle d’un quartier dans un secteur rural, en visant une certification LEED argent.
L’importance du positionnement du client et la démonstration de son leadership dans le marché. L’intégration de solutions innovantes donne aux propriétaires et aux exploitants des bâtiments les outils qui leur permettront d’améliorer de façon immédiate le rendement du site et des bâtiments. Chez NEUF, nous abordons l’innovation et les stratégies durables autant dans l’application des critères LEED, WELL ou PassivHaus, qu’en développant de nouveaux outils de conception et de recherche appliquée. Au-delà des accréditations officielles, les stratégies durables peuvent améliorer nettement la condition de vie des usagers, et donc la valeur du projet.
ID / Une réalisation qui vous rend particulièrement fier?
Au cœur du concept spatial et des stratégies durables du projet, une cour plantée génère des interactions entre l’école secondaire de Montréal-Nord (en bleu), son complexe sportif (en rose), et la communauté qu’elle intègre.
Nous développons de plus en plus de projets « durables », dont récemment plusieurs ensembles résidentiels évolutifs, qui nous ont permis de mener des analyses poussées en matière de typologie et de fenestration, et à explorer des pistes d’innovations comme des stationnements automatisés ou des balcons préfabriqués pour remédier à la problématique des ponts thermiques. Nous venons également d’inaugurer avec TLA Architectes et UN Architecture les chantiers de deux écoles secondaires de la SQI dans le Grand Montréal. Toutes les deux visent une certification LEED argent pour nouvelle construction grâce à un design biophilique qui met en avant l’intégration de la nature, un éclairage naturel et des espaces qui prennent en compte le respect de tous les usagers avec l’analyse différenciée selon les sexes et intersectionnelle (ADS+) de la ville de Montréal. Il y a cette idée que l’école est un lieu public ouvert à tous, dans ses usages et dans ses espaces.
Symbole de l’approche biophilique du projet, l’arbre se transforme au fil des saisons, offrant aux usagers un milieu de vie évolutif.
ID / Quelque-chose qu'il ne faudrait jamais oublier pour concevoir un projet durable?
Que le développement durable est un outil de travail, et non un concept en soi. On voit pousser beaucoup de ‘tours vertes’, comme si le projet pouvait reposer sur le simple fait de mettre en application des initiatives durables. Ce mode de pensée lié au ‘’greenwashing’’ va à l’encontre même des notions de préservation environnementale. L’approche durable devrait être une évidence aujourd’hui, quelque chose de naturel et pas un moyen de se démarquer. Avec l’appui du pôle Stratégies Durables, NEUF va continuer à faire ses projets comme elle l’a toujours fait, mais dans une plus grande conscience de leurs impacts sur l’environnement et avec des outils optimisés pour réduire leur empreinte carbone.
Parmi les réalisations NEUF montrant une forte sensibilité à leur environnement naturel, la résidence Sax sur le fleuve s’implante le long d’une promenade urbaine aménagée sur les rives du Saint-Laurent.
ID / Pour vous une architecture responsable en quelques mots c’est…?
C’est une architecture qui instaure un dialogue avec son milieu et ses habitants. La manière dont on construit, les solutions techniques, la qualité des espaces impactent la relation entre le bâtiment et ses usagers. Le bâtiment a une vie après sa construction, et c’est le rôle de l’architecte d’anticiper son intégration, son entretien, ses potentielles reconversions structurelles ou d’usage. Il faut toujours penser à « l’après ».
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