Un design conscient de son impact
Le restaurant a été rénové en même temps que l'ancien espace a été démoli. Ce qui était autrefois le studio d'enregistrement de l'Agence EFE, et avant cela, le théâtre Espronceda est devenu une source de matériaux et d'opportunités, redéfinissant par le fait même le processus de démolition et de construction.
Au lieu de choisir les éléments à partir de catalogues, l’équipe de design a improvisé en temps réel avec ce qui était présent, expérimentant et innovant. Les décisions ont été prises de manière transversale avec les experts en construction, en durabilité, en ingénierie et en aménagement, à la recherche du fragile équilibre entre durabilité et fonctionnalité, réglementation et innovation, esthétique et mise en œuvre.
Design circulaire et processus créatif
Combinant des solutions de basse technologie et de connaissances vernaculaires, l'artisanat local, le recyclage et la réutilisation des matériaux, tous les éléments ont été conçus en prenant en compte le cycle de vie, la circularité et l'impact résiduel.
C’est ainsi que 1700 kilos de moellons présents sur le site ont été transformés en bancs, des tuyaux de cuivre ont servi à fabriquer des radiateurs, et des tuyaux de ventilation sont devenus les pieds de table. Tout le bois qui a permis de construire les chaises et les tables proviennent des poutres et des planchers de l’ancien espace. Le résultat s'inscrit dans la continuité du projet Autoprogettazione du designer et architecte italien Enzo Mari, dont Lucas Muñoz reprend l'éthique du DIY et de l'open source.
Ce processus de design circulaire a été un défi pour l'équipe créative, mais aussi pour l'entreprise de construction. Les choix qui ont motivé les matériaux utilisés ont été guidés par l’impact positif sur l'écosystème. Les conditions de production des différentes industries, la distance au site de construction, l'énergie utilisée, l'impact à long terme du matériau, etc. ont été examinés.
Le cœur du système de chauffage se trouve dans les murs des fours à bois, où des conduits en cuivre récupèrent l'énergie calorifique du feu pour la distribuer à travers des planchers radiants, soutenir l'aérothermie et alimenter les radiateurs fabriqués in situ. L'eau est chauffée par ces mêmes tuyaux et est ensuite stockée et utilisée pour différentes fonctions. Le design comprend un système de collecte des eaux de pluie et la réutilisation de la sortie des éviers pour l'utilisation des eaux grises.
Architecture vernaculaire et esthétique brute
De ce processus créatif ouvert, qui prend chaque matériau ou déchet de démolition comme source pour le mobilier et les éléments d'éclairage, nait une esthétique brute.
En entrant dans le restaurant, on est accueilli par deux fours massifs artisanaux. Le plafond est orné de vases en terre cuite suspendus pour la ventilation, et de plafonniers noués à la maille avec de la corde. Les serpentins des radiateurs fabriqués à partir de tuyaux en cuivre habillent les murs tandis qu’un treillis en acier de construction sert de plafond technique. Un lustre massif surplombe la salle à manger, il est confectionné de tubes fluorescents récupérés. Le système d'éclairage créé à partir de tuyaux et de boîtes en PVC standard est une collaboration avec des étudiants en génie électrique de l'Association Norte Joven qui aide les enfants et les jeunes migrants en situation d'extrême vulnérabilité.
Javier Antequera et Felipe Turell, qui sont à l’initiative du projet, souhaitaient créer un espace qui incarne une implication autant sociale qu’environnementale.
Mo de Movimiento est une réalisation à l’image d’un manifeste. De la démolition à la construction, de l'approvisionnement à la mise en œuvre, l’implication de l’équipe a été totale, donnant naissance à des processus de construction et de création qui font partie intégrante de l'identité du lieu et redéfinissent l’expérience même du design contemporain.
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Crédits photos: Sergio Albert, Gonzalo Machado