Le sujet de thèse explore les principes de l’accueil en architecture à travers des projets qui se distinguent à l’échelle internationale par la revitalisation de bâtiments destinés à l’accueil des réfugiés. Laurence Roy cherche actuellement à développer un projet d’innovation sociale avec des partenaires partageant des intérêts communs, notamment des firmes de design et d’architecture, dans lequel sa recherche doctorale pourra s’inscrire.
ID / Quel est ton profil professionnel et quelle mission te donnes-tu ?
Laurence Roy / J'ai choisi de me spécialiser en design d'intérieur pour son potentiel à créer des lieux propices aux échanges et aux rencontres. Cette approche profondément humaine guide ma démarche de conception, mes intérêts de recherche, ma vision de l’enseignement, tout comme mes relations professionnelles. Je développe notamment une expertise dans l'enseignement de projets de design inclusif, visant à favoriser les synergies entre différents groupes sociaux.
Je projette de rejoindre, ou de fonder, une équipe créative de recherche appliquée — un "lab d’innovation" — au sein d’une firme d’aménagement en lien avec mes pratiques d’enseignement. Mon objectif est de collaborer avec des partenaires également investis dans la valorisation des nouvelles connaissances en design et en architecture, à travers des pratiques de conception innovantes, rigoureuses et ancrées dans l’expérience des communautés concernées.
La mission que je me donne est donc de créer des passerelles entre les mondes académique, professionnel et communautaire au service de projets d’aménagement inclusifs. Cela peut paraître ambitieux, mais ceux qui me connaissent me surnomment souvent "la boîte à idées" (rire).
ID / Pourquoi faire un projet de recherche sur l’architecture et les réfugiés ?
Laurence Roy / Les récentes réformes des politiques d'immigration au Québec et au Canada révèlent les défis d’une intégration réussie des nouveaux arrivants, dans un contexte de ressources limitées et d'infrastructures parfois insuffisantes. En parallèle, la hausse des demandeurs d'asile et la crise du logement engorgent nos lieux d’accueil, laissant de nombreux migrants sans abri. Alors qu’on a souvent évoqué une "crise migratoire" face aux mouvements des dernières années, plusieurs domaines de connaissances soutiennent aujourd'hui la thèse d’une "crise de l’accueil". Les disciplines de l’aménagement doivent se sentir concernées par cet enjeu. La question du rôle de l’architecture face l’accueil des réfugiés n’a jamais été aussi urgente.
Bien que de nombreuses études existent sur la conception de lieux destinés aux réfugiés, elles se concentrent principalement sur le logement de courte durée et ses différentes formes – abris d’urgence, refuges, hébergement transitoire, camps – et négligent souvent le potentiel communautaire et la durabilité des lieux d’accueil. Les pratiques stagnent donc sur une partie du problème, sans aborder des modèles plus holistiques.
Alors que les changements climatiques et les dynamiques internationales pointent vers une exacerbation des migrations forcées, il devient urgent de se poser la question : au-delà de l’hébergement temporaire, comment mieux accueillir les réfugiés ? Souhaitons-nous continuer à développer des espaces de refuge pour les réfugiés, ou plutôt concevoir des espaces accueillants pour les accueillir ?
ID / Quelle est la prémisse de ta recherche ; quelles sont les prochaines étapes ?
Laurence Roy / Ma recherche s’est entre autres concentrée sur un relevé historique et contemporain des pratiques d’architecture destinées aux réfugiés, identifiant un nouveau modèle en Europe : la reconversion de bâtiments vacants en pôles d’accueil, de soutien et de cohésion sociale. Ces lieux se distinguent à l’international par leur démarche innovante, valorisant à la fois l’harmonie sociale et environnementale. L’étude que je mène adopte une approche par études de cas, en examinant des projets issus de ce nouveau modèle.
J’ai eu l’opportunité de visiter le site des Grands Voisins à Paris, un ancien hôpital réhabilité autour d’un écosystème de solidarité pour des groupes marginalisés, incluant un centre pour réfugiés, et dont les espaces publics sont fortement fréquentés par la communauté locale. Ce projet est d’ailleurs reconnu par Architecture sans frontières Québec comme exemplaire dans le domaine de l’urbanité inclusive. En plus d’offrir de l’hébergement social, il facilite des rencontres inédites entre divers groupes sociaux à travers des espaces reconvertis, tels que des restaurants solidaires, des ateliers de création et des installations sportives. Sur place, j’ai mené des observations et des entrevues avec des réfugiés, des intervenants, des membres de la communauté locale, ainsi que les architectes et designers responsables du projet.
Les prochaines études de cas sont prévues pour 2025. Une collaboration offrirait l’opportunité d’optimiser ma présence sur ces sites prometteurs en permettant de partager les retombées avec des partenaires intéressés non seulement par les lieux d’accueil, mais aussi par la requalification de bâtiments, la mixité des usages et la diversité sociale au sein de projets d’aménagement axés sur l’innovation sociale.
ID / Quel est l’objet principal du projet de recherche ?
Laurence Roy / La recherche explore en profondeur deux dimensions : d’une part, le processus de réaffectation des espaces, et d’autre part, la relation entre la dignité et l’architecture, une question d’un intérêt certain pour les réfugiés et d’autres groupes en situation de vulnérabilité.
L’originalité de l’étude repose sur la mobilisation de l’approche des capabilités, un cadre théorique centré sur la dignité humaine, qui apporte un éclairage nouveau à l’analyse de projets d’aménagement particulièrement prometteurs pour les lieux destinés à des groupes marginalisés ou en situation de vulnérabilité. Comment accueillir dignement ? Ce questionnement pourrait être pertinent pour des contextes d’aménagement très variés, tels que les environnements de santé, les environnements pour aînées, les institutions sociales, les prisons et même les hôtels et restaurants. Les principes d’une "architecture accueillante" développés dans cette recherche pourraient ainsi, de façon plus large, influencer la conception de tout type de lieu où l’accueil joue un rôle central, offrant des pistes pour des environnements plus inclusifs, humains et propices à l’épanouissement.
ID / Quel est le type de partenariat envisageable ?
Laurence Roy / Je suis très enthousiaste à l’idée de socialiser ma recherche ! J’envisage à travers ce partenariat la co-construction d’un projet ayant un impact concret sur les pratiques locales, en s’appuyant sur mes études de cas à l’étranger.
Le partenariat que je cherche à établir pourrait se concrétiser grâce à une opportunité de financement offerte par Mitacs, un organisme fédéral qui favorise les collaborations entre le milieu universitaire et le secteur privé. Les programmes Mitacs encadrent la mise en relation des candidats au doctorat et de leurs superviseurs avec des partenaires souhaitant investir en recherche et développement (R-D) afin de développer des projets créateurs de valeur et profitables pour leurs activités. Les objectifs stratégiques du projet seront ainsi affinés en fonction des besoins spécifiques du partenaire.
En s’impliquant dans l’élaboration de ce projet, le partenaire contribue à l’avancement des connaissances en design et en architecture, tout en bénéficiant d’outils exclusifs pour appliquer ces savoirs au sein de projets visant à répondre aux défis liés à la diversité, à la dignité et à l’accueil.
ID / Comment te rejoindre pour discuter davantage de ton projet ?
Je suis impatiente d'initier des discussions et d'explorer les bénéfices mutuels d'une collaboration. On peut me contacter via LinkedIn ou par email à mon adresse institutionnelle : laurence.roy.4@umontreal.ca.
___