Au milieu de la scène illuminée de l'espace Cabaret aménagé à l'occasion de l'événement C2 Montréal, l'architecte d'expérience basée à Marseille expose posément au public attentif la démarche derrière ses projets d'aménagement. Dès que les premières phrases sont prononcées par la conférencière, tous se mettent très rapidement à qualifier de fascinantes les réalisations présentées, mais aussi l'approche singulière qui les soutiennent
Ce qui a fasciné le public ce jour-là, mais aussi les nombreux admirateurs du travail de Corinne Vezzoni à travers le monde, c'est cette approche exceptionnelle que l'architecte qualifie de « collision architecturale ». Le principe, qu'elle définit comme étant « l'étude d'un site, la mise en place d'un programme et la rencontre avec l'utilisateur d'un projet », parrait bien simple en apparence, alors qu'il combine en fait plusieurs aspects symbiotiques qui participent à créer l'unicité de ses projets. Une première réalisation impressionnante, livrée en 2017 et intitulée The Camp, fait état de cette démarche réellement exceptionnelle, pourtant si humblement résumée par Corinne Vezzoni.
The Camp, l'union entre le site et l'utilisateur
Implanté dans la région française d'Aix-en-provence, dans le noyau central du massif naturel, The Camp est un énorme campus de 11 000 mètres carrés dédié à l’entreprenariat et à l’innovation. Étudiants, formateurs, chercheurs, créateurs et cadres peuvent y séjourner pour une période plus ou moins longue, toujours dans le but d'expérimenter et de proposer collectivement des projets novateurs. « Les personnes qui vont venir étudier ou se rencontrer sur ce site vont vivre une expérience immersive en milieu isolé », résume Corinne Vezzoni.
« Nous avons pris le pari de ne pas fermer le bâtiment et d'installer des volumes qui se trouvent sous un grand toit unique, comme un parasol géant laissant pénétrer la nature. »
Selon l'architecte, ce projet pose une importante question qui fut fondamentale à son existence. Comment l'architecture peut-elle répondre, non seulement à un lieu qui soit atypique, mais à une mission qui le soit aussi? Pour Corinne Vezzoni, la première étape consistait à installer des cellules d'habitation «cohésives» sur le site naturel, sans en changer la topographie, afin d'exploiter de façon respectueuse les ressources qu'offre l'environnement. « Nous avons pris le pari de ne pas fermer le bâtiment et d'installer des volumes qui se trouvent sous un grand toit unique, comme un parasol géant laissant pénétrer la nature. » Ce revêtement cylindrique de 8000 mètres carrés protège du soleil et de l'eau de pluie - en plus de la récolter - et alimente ainsi ce concept de collision, ce choc que l'on veut créer entre l'utilisateur et la nature qui l'entoure. En résulte une rencontre intime avec l'air, les odeurs et les couleurs qui permettra de générer des propositions originales et des attitudes différentes.
« On doit exploiter les forces d'un territoire pour se les approprier, mais aussi pour les révéler. L'échange se fait dans les deux sens, si on sait tirer parti de l'histoire d'un lieu, de ce qu'il y a eu avant notre arrivé, par exemple. Ensuite, il y a aussi les utilisateurs, ceux qui font vivre ce lieu, qui vont amener la manière dont ils vivent ou veulent vivre. Il faut pouvoir le traduire spatialement. C'est en quelque sorte le point de départ du projet », explique Corinne Vezzoni.
Ainsi, The Camp promouvoit cette symbiose singulière entre nature, environnement bâti et utilisateurs, tout en appuyant la mission atypique du projet qui vise à faire évoluer ensemble, dans un lieu unique et ouvert, des personnes de tous horizons.
Le lycée Saint-Mitre : décomposition spatiale au profit du citoyen
« Chacun des toits en escalier va servir à une activité. Il y a des cours de récréation et des jardins. C'est un Lycée, mais il faut qu'il serve aussi à l'usage de la population. »
Pour appuyer d'un deuxième exemple cette notion de «collision architecturale», Corinne Vezzoni a présenté au public de la conférence un projet également aménagé dans le sud de la France, plus précisément à Marseille. Le lycée d’enseignement général Saint-Mitre, un établissement scolaire nouveau genre dévoilé en 2017, propose une fragmentation stratégiquement de l'espace constructible afin de réduire la taille du projet. Une stratégie qui vise à « recycler » les lieux et à respecter la présence villageoise dans le quartier.
« Nous sommes sur un site périurbain où j'ai essayé de réfléchir à la question du comment éviter de trop se répandre sur nos terres naturelles et de consommer de l'espace trop rapidement. La proposition faite avec le lycée est d'utiliser la moitié de l'espace et de conserver l'autre moitié pour l'avenir de la ville », précise l'architecte.
Les toitures du lycée se transforment en terrains verts et en espaces récréatifs alors que le toit du gymnase fait office de place publique accueillant le marché du village. « Chacun des toits en escalier va servir à une activité. Il y a des cours de récréation et des jardins. C'est un lycée, mais il faut qu'il serve aussi à l'usage de la population. »
Pour Corinne Vezzoni, il est manifeste que « la rencontre des hommes avec le lieu représente ce lien, ces échanges d'idées qui feront que le choc et la collision se produiront afin de créer une énergie et une qualité de vie pour les utilisateurs ». Les deux réalisations présentées par l'architecte lors de C2 Montréal sont certainement des exemples convainquants du caractère inclusif et responsable de cette démarche architecturale admirable.
Photos : Corinne Vezzoni & Associés