Un isolant ancestral
Sur l'île de Laeso au Danemark, l'usage des algues comme matériau d'isolation des maisons n'est pas nouveau. Datant du XIXe siècle, il ne reste aujourd'hui plus qu'une vingtaine de ces maisons au toit en algues, classées patrimoine national. Le promoteur Realdania Byg, qui a rénové la plus ancienne de ces demeures en 2012, a eu l'idée d'en développer une version plus moderne. C'est finalement le studio d’architectes Vandkunsten qui réalise, en 2013, cette maison de vacances préfabriquée nommée Modern Seaweed House. L’isolation des murs extérieurs et intérieurs est faite à partir d’algues, et plus précisément de plantes aquatiques : les zostères.
Les algues ont la particularité d'être ininflammables et imputrescibles. Une fois nettoyées, séchées, hachées et compactées, elles s'apparentent à de la laine végétale et constituent un excellent isolant thermique et acoustique.
En 2017, c'était au tour de l'agence danoise Een Til Een de se distinguer en construisant une maison à base de matières organiques. L'herbe, la paille et les algues sont collectées, nettoyées et séchées, puis transformées en briques et en panneaux afin de donner corps à la bâtisse.
Financée par le Ministère de l’Environnement danois, cette maison représente un prototype de bâtiment voulant réduire son empreinte environnementale au plus bas. En refusant l'utilisation du béton et en préférant la technique des pieux vissés, les architectes ont ainsi facilité la construction et la déconstruction de la maison.
Architecture et algoculture
La firme française XTU architectes développe la culture des microalgues au sein de biofaçades. Les microalgues sont des micro-organismes aquatiques à croissance rapide, qui utilisent la lumière comme source d'énergie pour fixer le carbone et produire de la biomasse. Anouk Legendre, architecte invitée de la Master Classe Index-Design du 31 janvier dernier, a présenté les projets en recherche et en développement de la firme et a expliqué les avantages accompagnant l'inclusion des algues dans la construction et le fonctionnement d'un bâtiment.
Cette technologie existe déjà à Hambourg depuis 2013. L'agence d’architecture Spitterwerk a été la première à construire un bâtiment qui fonctionne grâce à l'énergie fournie par des algues. La façade de l'édifice BIQ est constituée de volets « bio-réactifs » remplis d’algues. Ceux-ci permettent aux algues de survivre et de se développer plus rapidement, tout en procurant l’ombre nécessaire à l’intérieur du bâtiment.
Des emballages biodégradables et écologiques
En Bretagne, le scientifique Rémy Lucas a découvert une technique permettant de produire du plastique à partir des algues marron. Pour fabriquer ce matériau baptisé Algopack, il faut sécher et broyer ces algues jusqu'à obtenir une poudre qui est mélangée à divers additifs et qui prend la forme de granules, à partir desquelles est produit le plastique. La production de plastique d’algues, lancée à titre expérimental en 2013, est aujourd’hui passée au niveau industriel.
Agar Plasticity est le nom du projet lancé par le jeune studio de design japonais AMAM qui explore le potentiel de l'agar dans le domaine de l'emballage. En Indonésie, la compagnie Evoware a développé toute une gamme d'emballages alimentaires à base d'algues, en partenariat avec les agriculteurs locaux.
Design textile, d'objet et de mobilier
La designer néerlandaise Nienke Hoogvliet a développé un tissu à base d'algues conçu à partir de la cellulose extraite du varech, un mélange d'algues brunes, rouges ou vertes. Ce textile aux propriétés similaires au viscose est assez résistant puisqu'il constitue l'assise d'un siège, pièce de la collection Sea Me.
En France, la designer Violaine Buet crée des pièces textiles alguées biodégradables. Ces pièces uniques sont tissées, colorées, cousues, imprimées, gaufrées, tressées, etc. Ces créations originales ressemblent au textile comme au cuir.
Marine Light est une création du studio de design londonien Nir Meiri. À la frontière entre l'esthétique artistique et commerciale, cette lampe combine une base, une structure de métal et un abat-jour organique. Les algues sont déposées sur la structure de métal jusqu'à ce qu'elles sèchent et durcissent en prenant la forme du cadre.
Au Danemark, Jonas Edvard et Nikolaj Steenfatt ont développé un nouvel écomatériau à base de papier et d'algues. Intitulé Terroir, le projet a donné lieu à la création de luminaires et de chaises. La couleur du matériau dépend de la variété d'algues utilisée. Après avoir été séchées et réduites en poudre, les algues sont chauffées jusqu'à devenir de la colle (l'alginate, un polymère naturel des algues brunes, a des effets gluants et collants). Le produit fini a la douceur du liège et la légèreté du papier.
Samuel Tomatis est un jeune designer français diplômé en 2016 de l’ENSCI-Les Ateliers et de l’Institut Supérieur des Arts Appliqués de Paris. Il a remporté le prix 2017 de la bourse Agora pour le design afin de poursuivre son travail de recherche et la réalisation de ses créations (chaise, vaisselle, textile) à base d'algues.
Ces nombreuses réalisations à base d'algues montrent l'engouement des designers et des architectes pour cet écomatériau. À quand la version des fameuses algues des frères Bouroullec en bioplastique de varech?
Photo d'ouverture: Collection «Terroir» par les designers Jonas Edvard et Nikolaj Steenfatt
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