Maison Denison: la restauration d'une maison de ferme ancestrale

Maison Denison: la restauration d'une maison de ferme ancestrale

Conserver plutôt que démolir : ADHOC architectes poursuit l’écriture de l’histoire d’une maison de l’époque loyaliste dans le hameau de Denison Mills en tenant compte de l'architecture vernaculaire et de l'histoire des Cantons-de-l’Est. Le choix du rémploi et de la mise en valeur de l'existant, en ligne avec l'environnement.

Le projet se situe dans un petit hameau des Cantons-de-l’Est, bordé par la première route qui reliait Québec et Boston, qui fut développé par une famille d’origine américaine, et qui à son apogée comptait 150 habitants. Près de 200 ans après l’établissement de la famille Denison dans le hameau qui porte encore aujourd’hui son nom, ADHOC Architectes restaure et adapte tout en finesse l’annexe de la maison de ferme bâtie par ces colons loyalistes du canton de Shipton, afin de répondre aux besoins grandissants d’une nouvelle famille.

 

La maison Denison, un des derniers vestiges d’une époque  

Le secteur de Denison Mills est situé entre les municipalités de Richmond et de Danville, dans l’ancien canton de Shipton. On y accède par la route 116, qui était autrefois une portion du  chemin Craig. Cette route mythique construite par 400 soldats après la conquête Britannique pour permettre de relier Québec à Boston, en passant par Stanstead, a facilité les échanges commerciaux et la colonisation des cantons qui venaient d’être créés. 

Originaire du Connecticut, fermiers, puis meuniers, les Denison sont des grands propriétaires terriens qui deviennent rapidement prospères et contribuent au développement d’une communauté. Même si le hameau a connu un déclin économique puis démographique, les descendants de la famille Denison ont continué d’y habiter jusqu’en 1980. 

Aujourd’hui, seulement quatre bâtiments - le moulin à farine, la chapelle anglicane et deux résidences ayant été occupées par la famille Denison - témoignent toujours de ces premières phases d’occupation. Demeuré en activité jusqu’aux années 1960, le moulin Denison a été classé site patrimonial en 1973 par le ministère de la culture et transformé en résidence privée. Le projet de restauration mené dans les années 1980 par les nouveaux acquéreurs avait été perçu comme une belle réussite à l’époque. 

 

Cinquante ans après la protection patrimoniale du moulin, un nouveau morceau d’histoire se construit dans le hameau. Le projet réalisé par ADHOC Architectes est situé à 250 mètres du moulin à farine, là où se dresse un autre témoin bâti historique : la grande maison de pierre qu’occupaient les propriétaires du moulin. Construite en 1831 par Simeon Minor Denison, qui n’était pas architecte, la maison a, jusqu’aux années 1980, été la demeure des Denison. Les nouveaux occupants, un couple passionné d’histoire et de littérature, s’y sont installés en 2006 avec le projet d’y élever leurs trois enfants.

 

Conserver plutôt que démolir le patrimoine vernaculaire : un choix en faveur du développement durable 

ADHOC Architectes a été mandaté pour réaliser une nouvelle intervention architecturale contemporaine pour cette maison presque bicentenaire dans le respect de l’ensemble patrimonial historique du lieu. Les clients souhaitaient augmenter la superficie de leurs espaces de vie en convertissant une dépendance historique de la maison en une bibliothèque ouverte sur le paysage environnant, un espace de bureau, un garage et un éventuel dortoir.

Au-delà de la sensibilité au patrimoine vernaculaire, la réutilisation et mise en valeur du bâtiment existant apparaissait plus écologique qu'une démolition et une reconstruction. Une fois la décision prise de conserver la structure, les architectes l’ont renforcée avec des poutres en pruche récupérées. La laine de chanvre, un matériau écologique produit localement à Val-des-Sources, a été choisie pour l’isolation du bâtiment. Pour la toiture, les architectes ont choisi la tôle pour sa grande durabilité. 

Décloisonner et adapter un site au passé agricole 

Dans les années 1830, les constructeurs de la maison principale en pierre cherchaient avant tout à assurer son confort thermique et l’aménagement paysager du site, dédié aux activités agricoles, était pensé pour optimiser sa valeur productive plutôt que mettre en valeur son côté bucolique. Ainsi, l’ajout progressif de bâtiments annexes à la maison de pierre a créé un enchevêtrement de volumes qui a progressivement scindé le terrain de 83 acres en deux parties distinctes. 

Pour reconnecter les nouveaux occupants avec le paysage environnant, les architectes ont créé des ouvertures afin d’intégrer une large fenestration de part et d’autre du bâtiment. D’une part, ce geste permet de multiplier les accès sur l’extérieur pour que les occupants puissent profiter pleinement des installations estivales. D’autre part, les ouvertures font entrer la lumière naturelle à l’intérieur et permettent la contemplation du relief vallonné environnant composé de terres agricoles et de massifs forestiers lors des journées plus froides.
 

Créer un dialogue entre les époques avec une intervention minimaliste 

Tel un paysage évoluant au fil du temps, marqué par les années qui le traverse, les volumes qui composent la résidence marquent subtilement le contraste des époques auxquelles ils appartiennent. 

 

Pour le revêtement extérieur de l’annexe, les architectes ont utilisé le bardeau et clin de cèdre peint en blanc. S’ajoute pour la toiture de l’annexe un revêtement métallique en acier gris effet tôle à baguettes, et un revêtement noir pour l'interstice entre les maisons. Le résultat crée une palette de matériaux et de couleurs harmonieuse sur le site. 

L’annexe a toujours été connectée à la maison de pierre, même si son implantation n’est pas parfaitement perpendiculaire. ADHOC Architectes a retravaillé l’espace reliant les deux volumes, en maintenant dans leur intégralité les ouvertures existantes dans les murs de trois pieds de large de la maison Denison. Une entrée extérieure fut repositionnée afin de consolider l’ensemble.

Au rez-de-chaussée, cet espace de connexion a été réaménagé en vestibule d’entrée, séparant les espaces existants de la maison et les nouveaux espaces contemporains créés dans l’annexe. Les architectes ont travaillé sur les jeux de hauteurs et choisi des matériaux permettant de créer une transition harmonieuse. Par exemple, le plancher en ardoise du vestibule d’entrée est un clin d'œil historique aux anciennes carrières du canton de Shipton et au revêtement extérieur de la maison.

 

Agrandir de l’intérieur l’annexe d’une maison de ferme 

La rénovation du bâtiment apporte un nouvel espace de vie transformé en un lieu consacré à la littérature, qui se compose d’un salon de lecture hivernal modulable ainsi que d’un bureau surplombant la pièce. Les premières étapes de l’intervention ont consisté à redresser le bâtiment qui s’était affaissé avec le temps en réutilisant et renforçant la structure existante. 

  

 L’utilisation de la pleine hauteur du plafond cathédrale contribue à l’ajout d’espace et à la diffusion de la clarté lumineuse dans toute la pièce. 

 

Un mélange hétéroclite assumé et savamment dosé de matériaux sobres, naturels, aux essences boisées choisis dans des tons neutres confère un caractère contemporain, harmonieux et néanmoins intemporel à la pièce. Le travail d’ébénisterie réalisé pour les murs plaqués en bois de chêne blanc local fait écho à l’effet book match des années 1970 et est contrasté par une dalle de béton poli.

À l’étage, le plafond formé de lattis de bois peint en blanc et supporté par des poutres à la patine apparente ajoute une touche plus rustique.  

 

Jean-François St-Onge

Architecte et cofondateur

 

fRANÇOIS MARTINEAU

ARCHITECTE ET COFONDATEUR

« Alors que certains bâtiments vernaculaires construits au Québec tombent en décrépitude et voient leur avenir incertain, les propriétaires de cette résidence bicentenaire ont fait le choix de rénover plutôt que de démolir et reconstruire. Le projet Denison rend ainsi hommage au caractère vernaculaire des maisons de ferme ancestrales tous les adaptant pour les besoins d’aujourd’hui », affirme Jean-François St-Onge, directeur de création et associé chez ADHOC Architectes.

 

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Crédit photo : Maxime Brouillet